Des riches Iraniennes en bikini sur Instagram : "Où est le problème ?"
Décolletés, mini-jupes, cheveux peroxydés et champagne... Le tout en République islamique d’Iran. Sur leur compte Instagram "Rich Kids of Tehran", des jeunes issus de l’élite iranienne bling bling font leur show et les médias occidentaux n’en croient pas leurs yeux. Pourtant, vu de Téhéran, c’est presque un non-évènement.
C’est le compte Instagram dont tous les médias occidentaux
parlent. Sur le modèle du compte "Rich Kids of Instagram" - un compte
qui reposte des photos de la jeunesse dorée américaine – des Iraniens
ont choisi de partager avec leurs abonnés les carrosseries rutilantes de
leurs voitures de luxe, leurs après-midi entre amis au bord de la
piscine de leurs villas, ou encore leurs soirées mondaines dans la
capitale iranienne. Des tranches de vie glamour suivies déjà par plus de
90 000 abonnés.
Si ces clichés à la Kim Kardashian intriguent autant c’est
parce qu’ils sont pris en Iran. Un pays où l’alcool est interdit, où les
femmes doivent être voilées et porter des vêtements amples en public,
et où mêmes les hommes vivement incités à adopter des coiffures islamiques.
Contributeurs
"On fera la fête jusqu’à ce que ça devienne 'légal'"
Maryam,
riche Iranienne tient elle aussi un compte Instagram et connait le
groupe des "Rich Kids of Tehran". Elle a préféré garder l’anonymat pour
cet article.
En Iran, ce n’est pas la première page du genre sur Facebook ou Instagram [de nombreux comptes comme par exemple The Persian Life
proposent des photos similaires, NDLR]. La différence, c’est que
celle-ci est devenue rapidement célèbre mais on ne comprend pas vraiment
pourquoi.
Beaucoup sont choqués, notamment à cause des décolletés
qu’arborent certaines filles sur les photos. Pourtant en Iran, ça n’a
rien d’étrange : les garçons et les filles aiment s’habiller à la mode,
plaire, et se prendre en photo au bord d’une piscine en été. On se moque
de ce que pense le gouvernement. Pour nous, diffuser de telles photos
n’est pas tabou. Une de mes amies dit même "On fera la fête jusqu’à ce
que ça devienne ‘légal’.
"Ces photos sont le plus souvent prises dans le cadre personnel, chez les gens"
Les médias occidentaux ont des idées préconçues sur l’Iran,
mais un riche Iranien va avoir les mêmes loisirs et la même envie de
montrer qu’il s’amuse qu’un Européen ou un Américain. Beaucoup de jeunes
de Téhéran aiment imiter la mode occidentale. Ces photos sont le plus
souvent prises dans le cadre personnel, chez les gens, et très rarement
dans la rue à la vue de tous. Dans l’esprit des Occidentaux, la société
iranienne est à l’image des hommes politiques, très conservatrice. Mais
la réalité est toute autre.
Lorsque cette page a commencé à faire le buzz, certaines
personnes ont pris peur. Les administrateurs ont dû enlever des photos à
la demande des personnes qui apparaissaient, par exemple, avec des
bouteilles d’alcool. D’autres ont demandé que toutes les photos où l'on
voyait leurs visages soient effacées. Mais beaucoup d’entre nous
continuent de vouloir se montrer sur les réseaux.
S’ils veulent nous arrêter pour ce que l’on fait, il faudra
aussi arrêter une bonne partie des Iraniens car beaucoup d’entre nous ne
respectent pas à la lettre les règles islamiques.
Les personnes apparaissant sur la
page "Rich Kids Of Tehran" n’ont pour l’heure pas été inquiétées par les
autorités iraniennes, pourtant promptes à museler la jeunesse quand
elle emprunte trop ouvertement les codes occidentaux. En mai 2014, à la
suite d’une parodie du clip "Happy" de Pharell Williams, les jeunes danseurs avaient été arrêtés au motif qu’ils avaient "heurté la chasteté du public". Les "richs kids"
bénéficieraient-ils d’un certain favoritisme ? C’est ce qu’explique un
consultant iranien basé à Téhéran au journal "London Times" pour qui les
pères de ces jeunes sont "intouchables", si bien que leur progéniture ne craint pas les réprimandes.
Une lecture que ne partage pas notre Observatrice Maryam :
Je
les connais personnellement. La plupart des familles de ces jeunes
n’ont rien à voir avec les autorités du pays. L’un d’entre eux est par
exemple l’enfant d’un représentant d’une marque de bijoux
internationale. Il arrive évidemment que des enfants d’ambassadeur
d’Iran à l’étranger ou de députés se prennent en photo de cette façon,
mais ces clichés ne finissent jamais sur les réseaux sociaux car ça leur
causerait beaucoup de problèmes à eux ou à leurs familles.
Face
à ce buzz croissant, le compte a toutefois enlevé ces dernières heures
l’ancienne photo de profil d’une femme en bikini, pour la remplacer par
une photo de la capitale iranienne. Et si Instagram est un site autorisé
en Iran, la page est inaccessible depuis aujourd’hui.
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