Wednesday, September 24, 2014

La neige noire, nouveau témoin du réchauffement climatique

Photo de la "neige noire" prise par Jason Box, au courant de l'été 2014.

De la neige noire, en été au Groenland, c’est possible. C’est même un phénomène naturel, lié à la fonte des neiges lors des mois les plus chauds. Ce qui est moins normal, c’est la quantité record mesurée cet été par les équipes du projet scientifique "Dark snow".

Le projet "Dark Snow", qui fait appel à un financement participatif, est emmené par le climatologue américain Jason Box. Son but : prouver scientifiquement que l’albédo du Groenland diminue. L’albédo ? C’est le terme qui désigne le pouvoir réfléchissant d’une surface. Plus elle est sombre, plus l’albédo est bas, c’est-à-dire que la surface réfléchit moins la lumière et l’absorbe par conséquent davantage. La neige blanche a, à l’inverse, un albédo très élevé. De même, c’est pour cela que, exposé au soleil, on a moins chaud en portant un vêtement blanc qu’un vêtement noir. 
 
Après avoir passé deux mois près du glacier de Kangerlugssuaq au sud-est de la grande île polaire, les chercheurs ont conclu que le Groenland s’était couvert d’une quantité jamais vue de neige noire. D’après les premières conclusions de leur enquête, ce phénomène est une manifestation concrète et inquiétante du réchauffement climatique.
 
Au Groenland, entre de 250 à 400 milliards de tonnes de glaces fondent chaque année.





Photos de neige noire à l'été 2014, près du glacier de Kangerlugssuaq. Crédit : Jason Box.
Contributeurs

"La neige noire résulte du changement climatique et accroît en même temps ses effets"

Jason Box dirige le projet Dark Snow et travaille pour le Geological Survey of Denmark and Greenland à Copenhague.  
 
Nous avons passé deux mois à camper au Groenland et les résultats de nos mesures et prélèvements montrent que la quantité de neige noire s’est accrue de 5,6% par rapport à 2013. Plusieurs facteurs expliquent cet accroissement : il résulte à la fois de phénomènes biologiques, de l’augmentation des températures mais aussi de dépôt de suie et de poussière issue de feux de forêts. Ces facteurs s’influencent entre eux, créant un cercle vicieux.
 
En ce qui concerne les facteurs biologiques, nos études se sont concentrées sur l’algue des neiges (Ice algae), qui se développe sur la glace en fonte et se protège des rayons du soleil en créant un pigment noir. Et ces pigments accroissent l’absorption des rayons du soleil par la glace, et du coup favorisent sa fonte et donc la présence de neige noire.
 
Un second facteur à prendre en compte, c’est que la fonte des glaces résultant de la hausse des températures, est chaque année plus importante en quantité et s’étale plus longuement dans le temps. Elle dure aujourd’hui environ un mois de plus qu’il y a quinze ans. Nous avons aussi remarqué que chaque année, la glace commence à fondre 15 mètres plus haut que l’année précédente. Depuis 15 ans, on a ainsi "gagné " 200 mètres. Tout cela contribue là encore à la prolifération d’algues des neiges, augmentant de fait la surface de neige noire.  
 
Enfin, si cette neige noire était présente sur une surface record cette année, c’est aussi dû à des dépôts de suie qui proviennent des feux de forêts boréales. Les températures en hausse et les conditions climatiques plus sèches en Arctique font que ces feux sont de plus en plus importants chaque année. Il y a aussi sur la glace du Groenland des dépôts liés à des impuretés qui résultent des activités des usines, que les vents transportent vers le nord. Par ailleurs, la diminution du manteau neigeux dans les régions arctiques provoque la remontée de poussières minérales, poussées également par les vents.   
 
En bref, ces facteurs résultent eux-mêmes du réchauffement et en plus contribuent à en accroître les effets. Le challenge, c’est de savoir la part que chaque phénomène joue dans l’augmentation de neige noire. On ne peut pas affirmer à 100% que la quantité de neige noire continuera à battre des records. Mais avec l’accroissement global de la température sur Terre, particulièrement effectif dans les régions arctiques, il y a de fortes chances que cela continue.





L’Arctique est la région la plus touchée par le réchauffement climatique : depuis 1980, la température a augmenté de 2,5 degrés, contre 0,7 degrés de moyenne sur le reste de la planète. La fonte des glaces y est aujourd’hui bien réelle. Depuis 2007, des navires sont en mesure de longer la Russie, en été : la fonte de la banquise libére ainsi progressivement un passage commercial qui suscite les appétits des États et des entreprises.

Ce billet a été rédigé en collaboration avec Corentin Bainier (@CBainier), journaliste à FRANCE 24.

                                                            www.2dayhabari.blogspot.com

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